mercredi 21 mars 2012

Les labos de R&D sont-ils « à roulettes » ?


Jean-Louis Beffa sur le CIR : "on ne demande pas
suffisamment de contreparties aux grands groupes"
Intéressant débat à fleuret moucheté lundi soir aux Entretiens de la Fabrique de l’Industrie. En cause le Crédit d’impôt recherche (CIR).

Invité de la soirée, Jean-Louis Beffa, ex pdg de Saint-Gobain,  ne cache pas sa désapprobation pour ce dispositif qui, dans sa nouvelle mouture, est passé de 2 à 4 milliards d’euros et dont l’assiette n’est désormais plus assise sur l’augmentation des dépenses de R&D.

Il a mis un peu d’eau dans son vin par rapport aux propos de son livre ( La France doit choisir ) et n’envisageait pas sa suppression. « Pour les PMI et les ETI, je n’y vois pas d’inconvénient » dit-il. En revanche il estime que le CIR est inadapté pour les grands groupes. « On ne leur demande pas suffisamment de contreparties. Pour eux, il faudrait que le financement soit dépendant de l’augmentation des dépenses en R&D et qu’il soit ciblé sur des programmes bien définis. »

Autre critique : « Le CIR n’a aucune composante de recherche coopérative et ne bénéficie pas à seule industrie, les services et les banques en profitant également. »

Il juge en outre que sur les 4 milliards d’euros de financement, il serait judicieux d’en accorder environ 700 millions à « des programme ambitieux ». On voit la logique qui l’avait conduit à promouvoir l’AII refaire surface.

Enfin, il résume son point vue avec un imagé « je ne crois pas que les laboratoires de R&D soient à roulettes », autrement dit il pense que les grands groupes ne peuvent pas si facilement délocaliser leur R&D et qu'il est donc inutile de les financer ainsi.

Démenti quasi immédiat de Patrick Pelata, le conseiller du président de Renault-Nissan, autre intervenant de cette soirée. « Nous avons besoin du CIR » dit-il. Et, l’air de rien souligne que Renault possède en Corée et en Roumanie d’importantes équipes de R&D et que dans le premier cas, les salaires sont la moitié des salaires français et le quart dans le cas de la Roumanie.

Autrement dit : « on peut délocaliser la R&D » affirme Patrick Pelata et il sous entend ainsi que sans le CIR, les délocalisations menées par Renault auraient peut être été plus nombreuses.

Ce débat sur le CIR n’est pas nouveau et n’est pas près de s’achever. Le financement de la R&D des grands groupes par le CIR se substitue-t-il à leurs investissements ou les fait-il croître ? Selon certaines études la réponse est complexe. Il semblerait en effet que l’effet d’aubaine joue dans un premier temps mais que le CIR serait, au bout de quelques années, à l’origine d’une réelle augmentation des dépenses de R&D. Une bonne raison alors pour ne rien changer et lui laisser le temps de produire ses effets.

Quant à savoir si la R&D peut filer à l'étranger, on constate en effet que la délocalisation est possible mais il faut tout de même en préciser les contours. Oui Renault délocalise une part de sa R&D, mais c’est essentiellement de l’ingénierie et du développement. Le cœur de sa R&D, sa recherche pure et dure, n’est pas près de filer hors de France. Avec ou sans roulettes.

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