jeudi 3 janvier 2013

Petit débit mais grande innovation : le réseau mobile pour l’Internet des objets


Les opérateurs télécom s’acharnent à mettre au point des réseaux mobiles toujours plus performants : jusqu’à 100 Mbit/s avec la 4G. Pendant ce temps, une start-up française, Sigfox arrive sur le marché avec un réseau ridicule : un débit maximum de 1 Kbit et, tenez vous bien, commençant à 10 bit/s. Cent mille fois moins que la 4G ! Et c’est une colossale innovation !

Innovation ? Oui car, en l’occurrence, moins, c’est beaucoup plus. Parce que ce réseau n’a pas pour ambition de véhiculer des flots de données à grande vitesse, comme des images ou de la vidéo. Il se destine à une application bien particulière : l’Internet des objets. Autrement dit au dialogue entre des objets munis d’un peu d’intelligence et un ordinateur. Et pour ce que les objets ont à dire, ce débit microscopique est largement suffisant. Pensez par exemple au relevé à distance de compteurs électriques. Ou au suivi centralisé d’objets divers et variés.

La beauté du réseau de Sigfox est que sa technologie dite UNB (ultra narrow band) est non seulement bien suffisante pour les applications qu’elle vise mais surtout qu’elle apporte des bénéfices inouïs.

Le plus important tient au fait que contrairement aux réseaux classiques dont les stations de base n’ont qu’un champ d’action limité, la technologie UNB offre une très longue portée : jusqu’à 40 km en champ libre. Résultat au lieu d’un maillage extrêmement fin du territoire, il suffit de très peu d’antennes pour couvrir un vaste espace.  Selon Ludovic Le Moan, le fondateur et patron de Sigfox, «  dix antennes suffisent pour couvrir une ville comme Paris et un millier seulement pour la France entière. »

En outre, les stations de base seraient « 100 fois moins chères à construire et à opérer », tandis que le coût d’équipement d’un objet pour le rendre communicant serait lui aussi en chute libre.

L’intérêt du système n’a pas échappé à Intel qui a participé largement à la seconde levée de fonds de 10 M€ réalisée en septembre dernier aux côtés des investisseurs existants (Elaia Partners, Partech Ventures International et iXO Private Equity).

On comprend cet intérêt lorsqu’on sait cet « Internet des objets », dont on parle depuis longtemps, semble cette fois bien parti pour décoller. Il n’est qu’à regarder du côté de General Elecric qui vient de lancer le terme « Industrial Internet » pour le désigner et a l’intention d’investir pas moins de 1,5 milliard de dollars sur trois ans pour mettre au point les technologies nécessaires. Pour GE, l’Industrial Internet n’est pas moins que « la troisième vague d’innovation et de changement industriel », après la Révolution Industrielle et celle d’Internet. Excusez du peu ! (voir l’article sur ce blog)

Sigfox a déjà couvert une bonne partie du territoire français et réalisé des applications dans différents pays. Ludovic Le Moan revendique déjà « plus de 10000 objets connectés », dont ceux de Clear Channel (le concurrent américain de JC Decaux) pour télégérer son parc de mobilier urbain.

Les ambitions du « premier opérateur de réseau cellulaire dédié à l’internet des objets »,  sont immenses. Il vise un déploiement mondial de son réseau. « Il suffit de 200 M€ pour couvrir le monde » affirme-t-il. Et, conséquent avec son ambition, il ne saurait se contenter des 12 M€ de financement qu’il a déjà reçu. Il affirme qu’il espère lever 100 M€ pour mener à bien son projet. C’est tout le mal qu’on lui souhaite...

On remarquera en tout cas que le produit de Sigfox est l’illustration parfaite de ce que Clayton Christensen a baptisé disruptive innovation. Un  vrai cas d’école : en étant moins sophistiquée, elle en donne beaucoup plus dans des applications où l’offre disponible est surdimensionnée. Et ce faisant elle prend à contrepied les offreurs établis, en l’occurrence les opérateurs qui, engagés dans une course vers le plus haut de gamme, ont autre chose à faire qu’à venir se battre dans ce nouveau segment de marché…

 Cela dit : est-ce vraiment si sûr qu’alertés par cette offre, si le marché est aussi prometteur qu’on le suppose les opérateurs ne se décident pas à proposer  une solution équivalente ? L’affaire sera intéressante à suivre…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire