mercredi 30 mai 2012

Quand le ministre des affaires européennes se trompe de combat


"Il ne faut pas desserrer  les contraintes
qui pèsent sur l'offre"
J’écoutais ce matin le ministre des affaires européennes, Bernard Cazeneuve sur France Culture. Et ça m’a fait peur. Il milite pour la croissance. Bien. Il dit : pour obtenir cette croissance  il faut « assurer la montée en gamme de nos produits, réaliser du transfert de technologies, réaliser des investissements importants en terme d’innovation pour que nos produits soient compétitifs en raison de leur avance technologique et de leur montée en gamme. » D’accord.

Mais il ajoute :  « il ne faut pas desserrer les contraintes qui pèsent sur l’offre » . On en déduit donc que la politique à mettre en œuvre pour assurer la compétitivité des entreprises se réduirait à « la montée en gamme des produits, les investissements en termes d’innovation etc. » Donc, à l’aide à l’innovation.  Et c’est cela qui fait peur. Car cette politique de soutien à l’innovation … a déjà été très largement mise en œuvre.

La France dispose en effet aujourd’hui d’un système public d’aide à l’innovation particulièrement complet et bien pourvu. Pour mémoire rappelons, sans être exhaustif, quelques uns de ses dispositifs clés :
- Le crédit d’impôt recherche (CIR), inventé par la gauche et considérablement boosté par le gouvernement Sarkozy. Il a été triplé à 4 milliards d’euros et constitue un superbe outil d’aide à l’innovation, pour les PME comme pour les grands groupes (malgré quelques dérives réelles ou supposées).
- Les pôles de compétitivité, lancés par le gouvernement Chirac, qui ont déjà permis de financer plus de 1000 projets pour 5 milliards d’euros. Certains, comme Cap Digital, sont de véritables fourmilières de start-up.
- Les instituts Carnot (voir article sur ce site), regroupements de laboratoires publics mis à disposition des entreprises pour effectuer de la R&D et qui constituent également un très bel outil d’aide à l’innovation (s’adresser à eux permet en outre de doubler le montant du CIR accordé aux entreprises !)
- Les investissements d’avenir (ex « grand emprunt ») dont 17 milliards d’euros sont consacrés à l’industrie
- On mentionnera également les SATT (société d’accélération du transfert de technologie) installées depuis peu, ainsi que les IRT (instituts de recherche technologique) qui, toutefois, connaissent quelques difficultés de mise en place.
- On ajoutera, côté investissements, le FSI (fonds stratégique d’investissement) et l’inoxydable Oseo (dotée récemment de moyens supplémentaires) ainsi que l’ARI (aide à la réindustrialisation).

Bref, même imparfait et susceptible d’améliorations, le système mis en place est aujourd’hui tel que toute entreprise désireuse d’innover peut trouver financement et support en R&D répondant à ses besoins.

Autrement dit,  si les entreprises n’innovent pas, si elles ne montent pas en gamme, si elles ne sont pas compétitives au niveau de l’offre, il faut chercher la cause (et la solution) ailleurs. Inutile donc de militer pour davantage d’innovation et d’y voir « la » solution à tous les maux comme le fait le ministre. Il se trompe de combat.

Heureusement, Bernard Cazeneuve est ministre des affaires européennes. Espérons que le ministre du redressement productif aura une vision plus claire des enjeux.

Voir aussi
Les vrais défis du "redressement productif"

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