vendredi 20 janvier 2012

Nihil novi sub sole

Leçons d'Histoire 
Je relisais il y a peu L’Europe Technicienne (The Prometheus Unbound en VO).  Cet ouvrage de référence de l’historien américain David Landes sur l’industrialisation de l’Europe à partir des années 1750 est paru en 1969. Il est toujours aussi passionnant et instructif. Et puisque les réussites industrielles allemandes font aujourd’hui l’envie de tous, je ne résiste pas à vous en faire partager quelques extraits.
« [En 1850, l’Angleterre] est à l’apogée de sa carrière d’atelier du monde. […] Cette petite île dont les habitants étaient deux fois moins nombreux que ceux de la France, donnait les deux tiers du charbon produit dans le monde, la moitié du fer, la moitié du drap de coton. Sa marchandise faisait prime sur tous les marchés du monde ; ses industriels ne craignaient nulle concurrence »
Pourtant,  à partir de 1850, c’est, en Europe, l’Allemagne qui va peu a peu s’imposer au détriment du Royaume-Uni jugé pourtant indépassable. Les raisons sont multiples, mais j’en ai choisi trois qui me paraissent significatives.

Au milieu du XIXè siècle l’Angleterre sûre d’elle-même boude l’innovation.
« Pendant ce temps, en Allemagne, l’innovation s’était faite institution : le changement faisait bel et bien partie du système. On ne pouvait compter sur de grandes découvertes [locales]. Mais on pouvait compter que les inventions, quelles qu’en fussent les origines, seraient expérimentées et exploitées ; et il y avait au sein de l’industrie elle-même un courant régulier de petits perfectionnements qui, en s’accumulant constituèrent une révolution technique ».
Et maintenant ceci :
« Pour juger au mieux de cette façon tout pécuniaire de poser les problèmes [d'investissement, en Angleterre] il n’est que de la mettre en regard de la rationalité technique des allemands. C’était une arithmétique d’une autre espèce, qui maximisait non point les bénéfices, mais le rendement technique. Pour l’ingénieur allemand, pour l’industriel, pour le banquier qu’il avait derrière lui, le nouveau était à désirer non pas parce qu’il rapportait, qu’il était «payant » comme disent les anglais, mais parce qu’il se traduisait par un meilleur travail. Il y avait la bonne et la mauvaise manière de faire les choses, et la bonne, c’était la manière scientifique, mécanisée, celle qui mobilisait surtout du capital. »
Et ceci enfin, concernant l’instruction. Elle avait fait la force de l’Angleterre au XVIIIè voici ce qu’écrit Landes pour le milieu de XIXè :
« L’instruction, c’est la transmission de quatre sortes de connaissances, chacune contribuant à sa manière au rendement économique. 1) Le savoir lire, écrire et calculer. 2) la compétence technique de l’artisan et du mécanicien  3) la combinaison du principe scientifique et de l’application pratique dans la formation de l’ingénieur ; 4) la connaissance scientifique de haut niveau théorique et appliquée. Dans les quatre domaines, l’Allemagne possédait ce que l’Europe avait de mieux à offrir ; dans les quatre domaines, à l’exception peut-être du deuxième, l’Angleterre demeurait loin en arrière.»
Cela se passe de commentaires, non ?

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