mardi 8 décembre 2009

Saint-Gobain est-elle une entreprise innovante ?

Didier Roux, directeur de la recherche et de l'innovation du groupe Saint-Gobain, est un brin provocateur. Lorsque que vous l'interrogez sur la tradition d'innovation du groupe verrier, né il y a quand même 350 ans, il lance « Non, Saint-Gobain n'était pas une entreprise innovante. Dans notre métier, le spécialiste de l'innovation était l'américain Corning. »
Passé un bref instant de stupeur, si l'on essaie de décrypter son propos iconoclaste, quelques intéressants points de vue en émergent.
En réalité Didier Roux joue sur le mot innovation. Quand il affirme que dans le passé Saint-Gobain n'était pas un innovateur, il veut juste souligner que l'entreprise n'était pas une adepte de l'innovation dite de rupture. L'innovation radicale, celle qui change la donne ou qui permet d'attaquer des marchés vraiment nouveaux.
C'est ainsi que, par exemple, le groupe français a négligé de se lancer dans les verres pour écrans plats. Des verres qui exigent des qualités forts différentes de celles des vitrages classiques. Corning, lui, a sauté le pas et à même développé un procédé de fabrication spécifique pour cette innovation de rupture. Il est devenu le leader de ce vaste et nouveau marché.
Didier Roux a donc raison. Mais il s'amuse à nous induire en erreur. Car Saint-Gobain a bel et bien été une entreprise innovante. Toutefois, sa logique, celle qui lui a permis de rester aux avants postes pendant plusieurs siècles, était celle de l'excellence industrielle. L'innovation – incrémentale en l'occurrence - consistait à produire de façon toujours plus efficace les produits qu'elle savait faire. Cela lui a d'ailleurs plutôt bien réussi.
Cette petite histoire souligne à quel point la donne a changé. La remarque de Didier Roux démontre ainsi qu'aujourd'hui la logique de l'innovation incrémentale ne suffit plus. Même un leader comme Saint-Gobain ne peut plus s'en contenter. L'innovation doit être aussi un instrument de conquête de nouveaux territoires.
Vous aurez en tout cas deviné que si Didier Roux se permet cette sortie c'est qu'il peut la mettre au passé. Depuis quelques années, le verrier français s'est en effet engagé dans l'innovation de rupture et en a fait un outil de conquête. Dernier exemple en date : les recherches qu'il mène aujourd'hui sur des verres Oled. Des verres conducteurs qui, via le dépôt de couches minces, permettront de réaliser de grandes surfaces éclairantes et remplaceront, dans les foyers, les ampoules électriques. That's innovation !

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